« HEUREUSEMENT QUE LES MECS COMME LINO SONT REVENUS »

Roland Ngie, fondateur du label Ironmaster Factory, Part. III

Union Urbaine est allé à la rencontre de Roland Ngie, dénicheur de talents et organisateur de concerts à Montpellier depuis plus d’une dizaine d’années. Nous avons parlé de son label, Ironmaster Factory, et des difficultés pour les artistes indépendants d’exister hors des sentiers battus ou d’exister tout court. Nous avons également évoqué la dureté des radios locales et le rôle de la Région dans le développement de la culture urbaine, en passant par «  ces escrocs de distributeur ». Suite et fin (relire la deuxième partie) avec la participation de Coolie Cardinal, artiste signé dans le label et associé de Roland, qui nous révèle les clés pour percer.

 

Union Urbaine : Vous vous connaissez d’où ?

Coolie Cardinal : À la base je ne suis pas de Montpellier, ça fait plus d’une dizaine d’années que je suis là, mais on s’est trouvé à Montpellier.

Roland Ngie : On va sur notre onzième année de collaboration, ça commence à faire (rires).

CC : On a été obligé de s’associer, ici y’a pas de coup de main, tout ce qu’on a à faire, on l’a fait tout seul, on a misé parfois nos billes, notre propre argent. Comme pour les concerts Unicef tu vois, quand tu parles de concert humanitaire, tu te rends compte qu’en fait, t’es le seul à parler d’humanitaire…

RN : On disait que les bénéfices ne nous reviendraient pas, que c’était bien que les salles soient associées à ce genre d’initiatives, ils disent : «  Oui oui oui, c’est bien… Tu fais une heure, c’est 40 euros (rires). »

CC : Personne n’a fait un geste.

RN : Alors que si on avait été dans le réseau hip hop du Languedoc Roussillon, on aurait eu accès à plus de visibilité, plus de poids et de crédibilité. C’est tous ces petits détails importants.

CC : On aurait fait plus de monde, plus d’argent récolté. Le problème c’est que malgré les passages télés qu’on a eu, les gens nous connaissent pas, ils n’ont pas l’habitude de nous voir tout le temps tout le temps quoi, pour se dire : « Ah ça c’est la famille. »

RN : Voilà. Et tout ça rajouté à la concurrence malsaine entre labels, c’est terrible. Le label d’untel ne te parlera pas du label d’untel. Pourtant, il sait que t’es meilleur que lui. Quelqu’un va lui demander : «  Je cherche quelqu’un pour me faire ça. » Il sait qu’on est là, il sait qu’on le fait mieux que lui, d’ailleurs il sait qu’on sait le faire et que lui non, mais il en parlera pas.

 

« Tout ça rajouté à la concurrence malsaine entre labels, c’est terrible »

 

Est-ce que c’est propre au hip hop ça ?

CC : Non, c’est un game. Il ne va pas non plus m’envoyer sa clientèle…

RN : Attends Coolie, il y en a qui envoient même des gens chez les autres alors que tu le connais bien, ça nous est déjà arrivé ! Nous, parfois, des gars nous demandent. Si on n’a pas le temps, on te dit : « Tu peux aller voir untel, ça il le fait. » Mais les autres ? Ils ne connaissent pas ça. C’est aujourd’hui, maintenant, que dans le milieu du rap à Montpellier, on commence à se faire connaître, mais c’est toujours pas ça.

 

« Ce qui me dérange, c’est que vous n’avez pas de structure derrière vous, comme Rap Mag. Il faut que vous ayez une visibilité » – Fred Musa

 

Et les grandes radios, type Skyrock et tout ça, c’est fermé ?

RN : Oui. J’ai vu Fred Musa quand je suis monté à Paris par rapport à Coolie, pour défendre son projet. Il a écouté le son de Coolie, il a kiffé, il m’a dit : « J’aime bien ce que fait ton gars, mais ce qui me dérange, c’est que vous n’avez pas de structure derrière vous, comme Rap Mag. Il faut que vous ayez une visibilité, ce que fait ton gars c’est lourd, mais c’est pas la question. » Aujourd’hui, on commence un peu à voir qui est Coolie, mais c’est toujours pas ça. Quand tu écoutes le hip hop aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il est en train de mourir, parce que tout le monde se ressemble. Y’a plus d’originalité, et quand on ramène un de nos trucs, les mecs trouvent ça original. Heureusement que les mecs comme Lino sont revenus, heureusement qu’ils sont revenus dire : «  Oh les mecs, arrêtez votre délire. » Parce que quand tu écoutes Kaaris et tout, moi j’appelle pas ça du rap. L’artiste me dérange pas hein, mais je me dis : «  Merde, t’as que ça à dire ? Ton pays n’a pas de problème? »

 

« Comment il s’appelle l’autre là ? Il est bien drôle lui aussi « Poseyyy » »

 

Oui mais ce rap-là, est-ce que c’est parce qu’il ne dit pas grand-chose qu’il est relayé autant sur les radios par le biais des grandes sociétés de disque ?

RN : Oui, bien sûr.

CC : C’est juste une question d’appui. Si tu as le même appui que quelqu’un qui raconte de la merde, ce que tu racontes, si ce n’est pas de la merde, t’auras autant de retombées. C’est juste une question de comment on te pousse. Il y en a, ils vont regarder, ils vont dire : « Ah ouais c’est bien ce qu’il fait, mais il fait pas les millions de vues comme l’autre. » Tu achètes des vues, c’est un fait. C’est la force de frappe que t’auras promotionnellement derrière. Tu peux avoir le talent que tu veux, si le type a côté de toi il est bidon, mais il a la force de frappe derrière… Comment il s’appelle l’autre là ? Il est bien drôle lui aussi : «  Poseyyy. »

Ah, Swagg Man.

CC : Il a une force de frappe qui lui permet de passer dans telle ou telle radio, d’aller à tel ou tel endroit. Mais c’est pas dit qu’il fasse mieux que les autres…