LA TOUR D’ASSAS PROJETÉE EN CENTRE-VILLE

Le cinéma Diagonal diffusait le 14 mars dernier à 18 heures un documentaire en deux actes d'une durée totale de 37 minutes intitulé "Le droit de vivre décemment" suivi d'un débat. Le court-métrage, réalisé en collaboration avec plusieurs associations et médias, dénonce l'insalubrité dans laquelle vivent les familles de la tour d'Assas. Depuis plusieurs années maintenant, ses habitants, qui ont également participé au montage du film, demandent que le bâtiment soit rénové ou détruit. Une mobilisation qui peine à fédérer au-delà du quartier Mosson.

 

LA TOUR D'ASSAS
EN CHIFFRES

Construite en 1969
76 mètres de hauteur
22 étages
178 appartements
99 familles encore présentes
12 relogées ailleurs

Quelques semaines après la fin de sa réalisation, le documentaire "Le droit de vivre décemment" avait donc droit à sa projection sur les écrans de la salle 2 du Diagonal. Situé en centre-ville et considéré comme un cinéma d'Art & Essai de qualité, le lieu apparaissait propice à la diffusion du message des habitants de la tour d'Assas. Logées dans des appartements insalubres, les familles, certaines étalées sur trois générations, sont engagées depuis plusieurs années dans un combat contre la Mairie de Montpellier et ACM Habitat -propriétaire des murs-, dont le chiffre d'affaires de l'année 2015 culmine à 125 000 000 d'euros. Deux structures incarnées par un seul et même homme, Philippe Saurel, Maire de Montpellier et président du premier bailleur social public de la région Occitanie.

 

Un film collaboratif

 

Face à la soixantaine de personnes venues assister à la projection, les réalisateurs ont d'abord expliqué que ce film était le fruit d'un travail commun. Le résultat d'une collaboration entre plusieurs associations ("Les Ziconofages", "Habiter Enfin !" et le "FUIQP"), médias ("Divergence FM" et "Le journal d'Oc") et habitants du quartier. Principalement des soeurs et des mères de famille, accompagnées de leurs enfants dans la salle. Pour elles, ce court-métrage apparaît comme un moyen supplémentaire d'interpeller les institutions sur leurs conditions de vie.

La préfecture de l'Hérault a affirmé aux familles, organisées en collectif, que la destruction de la tour d'Assas avait bien été actée le 16 décembre dernier lors de la signature du protocole de préfiguration d’un nouveau programme de renouvellement urbain pour les quartiers Mosson et Cévennes. Un texte validé notamment par Pierre Pouëssel, préfet de l'Hérault, et Philippe Saurel. Or, ce dernier a pourtant fait savoir aux familles, qu'il n'a toujours pas rencontrées, que rien n'avait encore été décidé. En attendant, ce sont les habitants qui subissent la misère sociale, en échange d'un loyer allant de 500 à 700 euros.

 

La rencontre avec l'adjoint au Maire

 

Fenêtres qui ne ferment plus, problèmes d'isolation, canalisations endommagées, murs qui s'émiettent, ascenseur défectueux, moisissure, problèmes de sécurité, dégâts des eaux usées... Avant la réalisation de ce film, les familles de la tour d'Assas avaient déjà mis en place plusieurs événements pour faire prendre conscience de leur situation. L'un d'entre eux, raconté dans l'acte 2 du documentaire, était l'organisation d'une manifestation partant du pied de la tour et allant jusqu'à la mairie, dont la partie Comédie-Hôtel de Ville s'effectuait à pied sur les lignes de tramways, le 5 décembre dernier. Un rassemblement qui avait regroupé une trentaine de personnes, toutes issues du quartier Mosson, depuis lesquelles fusaient des "Y'en a marre, y'en a marre" ou encore "Tour d'Assas en colère".

Accueillis par Robert Cotte, qui s'excusait de l'absence de Philippe Saurel, quelques habitants s'étaient alors entretenus avec l'adjoint au Maire de Montpellier. Le temps pour lui d'exprimer aux familles son soutien, en soulevant que les quartiers populaires n'étaient pas délaissés par les institutions, en témoigne le nouveau programme de renouvellement urbain pour les quartiers Mosson et Cévennes signé quelques jours plus tard, qui n'a toujours pas donné de réponses aux familles. ACM Habitat assure de son côté que la société investirait 800 000 à 1 million d'euros par an pour l'entretien de la tour d'Assas. À cela, les habitants, qui luttent depuis bientôt trois ans, répondent que la destruction de la tour d'Assas leur aurait été plus rentable.

Plus que leurs conditions de vie, le collectif de la tour d'Assas souhaite surtout interpeller sur un problème sociétal plus large. À force d'avoir l'impression de combattre dans le vide, ces femmes finissent par se sentir victimes de ségrégation, dénonçant un communautarisme qu'on leur impose. Sans mixité, il leur est impossible d'imaginer pour leurs enfants un avenir sécurisant.

 

Le débat

 

Le débat qui a suivi s'est naturellement dirigé vers un échange à ce propos. D'abord, il y a la manière dont les médias traitent le problème. Si France 3, Midi Libre ou encore La Gazette ont tous couvert la manifestation, les formats des différents articles ou reportages ne permettent pas toujours de saisir les convictions et engagements des habitants, et plus généralement des luttes populaires. Ce que l'on peut regretter aussi, c'est que ces thématiques ne soient pas abordées publiquement, comme lors du passage de Philippe Saurel sur la fréquence de Divergence FM. Les deux journalistes face à lui, Jean-Pierre Foubert et Benjamin Teoule, du Journal d'Oc, n'en ont pas parlé. Même si la radio est revenue sur la situation actuelle des familles en leur consacrant un reportage, réalisé par Lucie Lecherbonnier.

Plusieurs spectateurs ont ensuite encouragé les familles à rallier à leur cause les associations locales ou sportives, puis les ont orientées vers des procédures de justice. Des processus qui devraient s'enclencher d'ici quelques jours si les familles, qui ont envoyé des photos témoignant de l'état d'insalubrité de la tour, n'ont toujours pas de réponses de la part du Maire ou de la préfecture.