« LE FOOT PEUT PERMETTRE DE METTRE TOUT LE MONDE EN VALEUR »

Armand Chevalier, organisateur du tournoi « Le ballon de l’espoir »

Pour la troisième année consécutive, Armand Chevalier, élève du Lycée Joffre, a mis en place « Le ballon de l’espoir ». Un tournoi de football solidaire, dont les fonds seront reversés à Unicef, qu’il organise avec l’association « Pensée jeune » et son président Jean-Nicolas Hinard. Cette compétition, il espère cette fois-ci lui donner une tournure nationale. Plusieurs établissements, partout en France, ont d’ores et déjà répondu présent pour organiser en leur antre leurs propres phases de qualification et se rendre à Montpellier pour disputer les finales. Son projet est rodé, concret, mais cet élève de terminale se retrouve confronté à plusieurs obstacles. Son principal objectif : que le tournoi soit taillé pour les lycéens, par les lycéens.

 

Union Urbaine : Commençons par le commencement, peux-tu nous expliquer ce qu’est « Le ballon de l’espoir », nous décrire le projet ?

Armand : Le ballon de l’espoir, c’est un tournoi de foot à six. Parfois il y a des dérogations avec des prépas ou des BTS, mais la majorité du public est lycéen. L’inscription est au prix de deux euros, reversés à l’Unicef pour développer le sport. Principalement dans des camps de réfugiés. On travaille aussi avec l’UNSS, « Les jeunes officiels », des jeunes reporters, pour essayer de mobiliser tout le monde et avec l’association « Pensée jeune » qui m’aide à piloter le projet un peu partout en France. On a pour but de développer ça dans le plus de lycées possible, en se basant sur les quelques institutions lycéennes qui existent comme les CVL, Conseil de Vie Lycéenne. Ce sont des élèves élus dans chaque lycée. Il y a aussi les MDL, Maison Du Lycéen, des associations d’élèves qui cotisent et qui ont un peu plus d’argent que les CVL. Ça permet d’acheter du matériel ou autre. Donc on contacte d’abord ces personnes-là pour essayer de voir avec eux, puisque c’est eux qui sont censés dynamiser un peu la vie lycéenne. Et sinon, on contacte des CPE ou des professeurs de sport selon l’établissement.

 

 

Comment t’est venue l’idée ?
Mon père était entraîneur de foot, moi je suis un très grand fan, en ce moment un peu moins à cause des cours mais sinon je pourrais passer des journées entières à regarder des matches de foot. Je baigne dans cet univers et quand je suis arrivé en seconde, j’ai vu que pour un tournoi de foot banal, il n’y avait personne pour le prendre vraiment en main. Comme j’arrive à comprendre comment faire une poule, rendre le calendrier cohérent, tout ça a plu aux mecs.

Tu trouvais qu’il n’y avait pas assez de foot dans ton lycée ?
On n’avait pas de foot dans notre lycée. Ce qui était proposé par l’association sportive c’était handball, badminton, mais pas de foot. Déjà en cours de sport j’ai jamais eu foot, c’était un problème parce qu’on avait des installations. Et dans un second temps tu peux cotiser pour faire du sport le midi, où des créneaux horaires sont disponibles. Et ça, c’est géré par l’AS, l’Association sportive. C’est fait par des profs de sport, tu payes 30 euros et tu peux faire le sport que tu veux. Mais même là, il n’y avait pas foot. On n’avait pas de structure vraiment pour faire ça, pas de ballons, rien. C’est fait avec la MDL de mon lycée, personne ne s’en occupait vraiment aussi donc je suis devenu président et on a eu le budget pour acheter des ballons.

 

« On a pour but de développer ça dans le plus de lycées possible, en se basant sur les quelques institutions lycéennes qui existent et sont censés dynamiser la vie lycéenne »

 

Le tournoi que t’as monté a été en partenariat avec l’Association sportive sur les créneaux de midi ?

Non c’était vraiment entre nous, les élèves, qui gérions ensemble. En gros, personne s’en occupait trop donc on nous faisait confiance comme il n’y avait jamais eu de soucis. Et l’année d’après, certains sont venus me voir en me disant qu’il fallait ramener encore plus de monde, faire un vrai tournoi. Comme ça s’était bien passé et qu’il y avait eu des matches chauds et de qualité.

Vous étiez combien au début ?
Une dizaine d’équipes, mais les participants étaient là vraiment pour s’amuser, quoi. Il n’y avait pas un bon niveau. Et l’année d’après ça a drainé plus de gens, les gens qui étaient là étaient vraiment là pour le tournoi. C’est à dire qu’il y avait des équipes de potes, mais qui étaient vraiment là pour faire le tournoi.

 

 

D’autres lycées de Montpellier ?

Non, dans le lycée il y avait 14 équipes donc plus de monde, et le niveau était vraiment plus relevé. L’année de ma seconde, j’ai commencé à parler à ce projet autour de moi. Et il se trouve qu’à l’époque j’étais à l’Unicef. Ils ont proposé de m’aider et m’ont mis en contact avec une personne qui s’occupait de mettre en place des tournois sportifs, plus particulièrement de beach-volley sur Montpellier. Donc il m’a donné une trame, fait faire un fichier de présentation du projet, ce qui m’a permis par la suite de démarcher différents lycées de Montpellier. J’y suis allé au culot, j’ai appelé les CPE et demandé à rencontrer les CVL. En tout, j’en ai rencontré neuf sur Montpellier. Ce sont ces élèves qui sont censés faire vivre le lycée.

 

« À la fin de ce tournoi, des joueurs sont venus me voir en me disant : « Est-ce que c’est vrai que le gagnant monte à Paris ?». Ça a vraiment plu à tout le monde et c’est là que m’est venue l’idée de tenter le coup pour monter le truc au national »

 

D’accord, du coup tu t’es servi des organismes qui existaient déjà…

C’est ça. Il y a eu six établissements qui ont participé. Et le gros niveau à Joffre, il s’est ressenti à la journée interlycées, puisque les autres lycées, comme pour eux c’était la première année, il n’y avait pas grand monde qui a pris le truc au sérieux. Du coup, en demi-finales, il y a eu trois équipes de Joffre sur les quatre et finalement, c’est Mermoz qui gagne. L’équipe U19 excellence de l’AS lattes, en gros. C’est 30 minutes, équipes de six, ça va très vite. Ce qui m’a marqué c’est que sur ce format, n’importe quel joueur ou n’importe quelle équipe peut faire un résultat. La mentalité fait vraiment la différence. Alors à la fin c’est la meilleure équipe qui gagne, mais tout au long du tournoi, ça n’a pas été le cas. Et à la fin de ce tournoi, des joueurs sont venus me voir en me disant : « Est-ce que c’est vrai que le gagnant monte à Paris ?». Ça a vraiment plu à tout le monde et c’est là que m’est venue l’idée de tenter le coup pour monter le truc au national. Finalement, les finales se feront sur Montpellier. Je suis élu académique et national de l’académie de Montpellier donc j’avais eu écho…

Depuis combien de temps ?

Depuis deux ans, la seconde, où mon projet m’a permis d’être élu dans cette instance. Je me suis plu, j’ai rencontré plein de gens comme le directeur de l’UNSS, ce qui m’a permis de m’investir aussi à l’UNSS. C’était bien d’être à la fois sur le terrain et dans les instances, c’est à dire de voir comment était gérés les lycées, les sous, c’est le genre de trucs qu’on sait pas quand on est lycéen mais de l’intérieur, on voit comment ça marche.

Le fait de lier le projet ballon de l’espoir à l’Unicef, c’est quelque chose que t’avais déjà en tête de par ton engagement ?

On m’avait parlé d’unicef et moi je voulais m’engager pour quelque chose. Ils m’avaient dit: « On cherche des jeunes qui font des actions » et quand je leur ai parlé de mon projet, ils ont été cohérent par rapport à ce qu’ils m’avaient dit et ils se sont bougés. Actuellement, je vous avoue que c’est différent. Maintenant qu’on projette de le faire au national, on demande vraiment de l’aide au niveau des contacts sur le terrain parce qu’ils connaissent plus de gens que nous. Donc nous, on est laissé un peu devant le fait accompli…

 

« On partait sur un nombre de villes de 40, mais je pense qu’on atteindra plutôt les 20 villes »

 

Qu’est-ce qui a fait que le projet ait pris de l’ampleur ?

En fait, après la phase interlycées, tout s’est vraiment bien passé, on aurait pu croire qu’il y aurait une bagarre parce qu’il y avait de l’enjeu quand même, mais rien. Les capitaines ont su gérer quand ça allait mal. Ce qui m’a fait vraiment plaisir, c’est que tout le monde était content d’être là, personne s’est dit : « Cool, on loupe les cours ». Et comme j’étais parti de rien, suite aux « Pourquoi pas monter à Paris », je me suis dit que ça se tentait. Donc j’ai passé tout l’été à contacter des gens.

Comment tu l’as contacté ?

Comme j’étais élu lycéen, on nous avait parlé de cette association qui avait été créée et donc j’ai pris son numéro. Il a tout de suite été très intéressé, il avait quelques contacts un peu partout en France et au fur à mesure, des gens nous ont suivis. Mais je crois qu’au début, on avait vu vraiment trop grand, on a fait confiance à tout ceux qui nous disaient « ouais ouais le projet est bien ». Toutes les personnes à qui je parle du projet me disent que le projet est bien et malheureusement, le monde dans lequel on vit fait que c’est beaucoup de paroles et pas beaucoup d’actes. On partait sur un nombre de villes de 40, mais je pense qu’on atteindra plutôt les 20 villes.

 

« Le principe du projet, c’est vraiment les jeunes qui arbitrent, c’est les jeunes qui organisent, les jeunes qui participent »

 

C’était qui vos interlocuteurs dans les lycées ?

Le principe du projet, c’est vraiment les jeunes qui arbitrent, c’est les jeunes qui organisent, les jeunes qui participent. Les adultes, ils sont uniquement là pour superviser et pour les assurances. On est dans une époque où on dit que le jeunes ne savent pas se bouger. Par exemple j’ai vu des jeunes de STMG, on ne va pas se le cacher, ce sont des populations qui sont mal vues, en tout cas à Joffre, en échec scolaire, et le fait d’être en réussite, de s’éclater, d’avoir des responsabilités, ça a fait du bien. Peut-être un peu moins pour d’autres mais moi, c’était ça aussi qui était important. Le foot, c’est un sport populaire et si ça peut permettre de mettre tout le monde en valeur, faire rencontrer de nouvelles personnes, c’est mieux.

Tu as l’impression que les personnes sont plus réceptives parce que c’est lycéens qui organisent le truc ?

Exemple typique, l’année dernière, on m’avait dit : « Tu t’es pas assez appuyé sur les profs de sport ». Donc dès le début de l’année je suis allé les voir, j’ai expliqué le projet, je leur ai dit d’en parler aux classes. Il n’y en a aucun qui l’a fait, sincèrement. Et c’est dommage, mais hier une fille de La rochelle m’a appelé en me disant qu’ils participent, ben ça c’est sympa. Tu te dis : « On n’est pas tout seul ». Bon maintenant, le problème qui se pose est celui du budget, beaucoup de coûts en terme de logement, de déplacement, de nourriture. Et à l’heure actuelle on n’a aucun sponsor, de sponsors financiers en tout cas. Les seuls qui nous ont répondu c’est Nike, mais ils nous ont dit qu’on était pas assez visibles sur les réseaux sociaux, c’était un peu mettre les pieds dans l’inconnu pour eux. Si on veut faire ça au niveau national, il faut qu’on ait l’accord de la ville de Montpellier et la région, et on va essayer de grappiller un peu partout. À la ville, à la région, aussi à l’académie. L’idée c’était aussi de mettre en place une cagnotte en ligne et de 5 euros en 5 euros, on pourra peut-être réussir à avoir une somme. On n’aimerait pas être amené à dire à des mecs qui ont participé à Lille qu’on n’a pas le budget pour financer le transport.

 

 

Et là, les inscriptions sont ouvertes dans tous les lycées ?

Comme c’est libre en fait, il y a des lycées qui ont ouvert des inscriptions et d’autres qui l’ont pas fait. Nous par exemple, à Joffre, on avait 14 équipes avec un calendrier dense, de longues semaines. Alors que par exemple, Mermoz ils ont fait ça sur une journée. Certains lycées préfèrent jouer le soir aussi, donc il ne fallait pas brider le projet.

 

« À l’heure actuelle pour cette année, on n’a aucun sponsor en dehors des associations »

 

Et l’année dernière les ballons par exemple, c’était chaque lycée qui se débrouillait ?

En fait l’année dernière, surement la chance du débutant, j’ai appelé +2foot, un équipementier. J’ai exposé le projet mais il y avait rien eu encore, et le mec très sympa a suivi le projet, nous a fait un partenariat et nous a envoyé 20 ballons, avec des écharpes et des casquettes. C’était aussi ça la philosophie, on ne voulait pas de flux financiers. Genre une entreprise donne 300 euros et avec, on va acheter du matériel. C’est toujours des sources à problème, alors qu’en demandant des ballons, pas de risques. Du coup à la fin les trois premières équipes ont eu un sac avec un ballon, une casquette, une écharpe. Il y avait aussi des DVD de Montpellier Hérault, des BD, des places de ciné… Et les 500 euros pour Unicef. Et à la journée interlycées étaient prises en charge les boissons par l’académie. Mais à l’heure actuelle pour cette année, on n’a aucun sponsor en dehors des associations.

Ça va être quoi la suite de ta démarche ?

Stabiliser le projet dans le plus grand nombre de villes possible, et surtout on est en train de travailler sur la création d’un Insta. Puisqu’on nous a reproché de ne pas être assez visibles sur les réseaux. Réussir à se créer une vraie identité. J’ai aussi contacté Motson et Uni’sons, pour mettre aussi la vie urbaine, le monde urbain de Montpellier en relation avec ce projet. Le faire connaître d’une autre façon que sur les terrains des lycées. Et bien sur aller à la pêche aux sponsors, contacter un équipementier partenaire qui nous soulagerait pour tout. Surtout pour les chasubles, les ballons, et les récompenses. C’est important par exemple que ceux qui gagnent le tournoi national puissent avoir quelque chose. Et j’attends la confirmation du partenariat avec le Montpellier Hérault, plus deux noms qui seront a priori parrains du projet. On verra tout ça à la rentrée.

C’est ouvert au public ?

L’année dernière c’était ouvert au public, mais comme on n’a pas eu de communication, et que même notre lycée n’avait pas autorisé le déplacement lycéen, si les élèves y allaient ils étaient notés absents. On aimerait que dans un premier temps, les lycées qui ont participé au tournoi laissent les lycées venir regarder le truc, et peut-être aussi que la ville de Montpellier communique afin de faire en sorte que des mecs de l’extérieur puissent venir voir.