Dans l’anonymat du niveau District, le club de futsal de La Paillade a rempli son contrat pour sa première année de création. Champion invaincu, le Sporting évoluera la saison prochaine à l’échelon régional. Et compte bien, comme le voisin du MMF, marquer de sa semelle la discipline. Motivé par une autre idée, celle d’offrir à tout un quartier la visibilité qu’il mérite.
Saint-Jean-de-Védas, un mardi soir. C’est ici, non loin du rond-point qui dirige vers la barrière de péage de l’autoroute A9, dans un décor de zone industrielle, que se donnent rendez-vous quasiment chaque début de semaine les membres du Sporting Paillade. À l’intérieur du complexe sportif Albert Batteux, planqué derrière le magasin Métro, ils s’apprêtent à disputer la quatorzième journée du championnat Honneur face à l’équipe 4 du Montpellier Méditerranée Futsal. La rencontre, initialement programmée à 21 heures, démarrera finalement avec quelques minutes de retard. Le temps de régler quelques problèmes intimement liés au District, qui concernent cette fois-ci l’absence de délégué. Les deux arbitres sont eux bien là, prêts à déclencher leur chronomètre. Le tableau d’affichage, ce sont les joueurs du roller hockey club qui en bénéficient, dans l’autre partie du gymnase, coupé en deux.
Pour le club pailladin, crée en début de saison, c’est de la division départementale, la plus basse, qu’il a fallu débuter. En tête du classement avec dix victoires pour autant de rencontres avant le coup d’envoi, le Sporting a vite fait comprendre aux six autres équipes qu’il ne s’éterniserait pas à leurs côtés. Ce soir-là, contre une formation du MMF renforcée par les descentes de Souleimane Ouadi, du président Hamza Aarab ou encore de Ruben Frois en cages, les leaders, qui affichent une moyenne de dix pions par match, sont les premiers à faire trembler les filets. Un but contre son camp provoqué par une action typique de futsal, de celles que l’on voit sur les parquets de l’Arena ou du Palais des Sports René Bougnol. Parmi le public, un retardataire demande le score. « 1-0 pour nous », lui renseigne un supporter, avant d’être repris fièrement par son pote : « 1-0 pour le Sporting Paillade. »
« L’idée nous est venue de créer un club dans lequel on serait les seuls décisionnaires, des rentrées d’argent jusqu’aux transferts »
La plupart des joueurs du Sporting Paillade convoqués en cette venteuse soirée de mai ont fait leur gamme à Montpellier Agglo, contribuant à sa remontée en Ligue 2. Même si, depuis cette saison, leur ancienne équipe évolue de nouveau à l’étage régional. « Montpellier Agglo, c’est un vieux club de futsal qui existe depuis 1996. Le gardien du gymnase Jean Bouin, c’était le président. C’est avec eux, Pierre et Mourad, qu’on a appris le futsal », insiste Brahim, ancien gardien de Saint-Martin et de Castelnau en foot à onze, aujourd’hui portier du Sporting Paillade. Il est le numéro un d’un cinq majeur notamment composé de Jaouad, le capitaine, Soso et Amine, deux sélections avec l’équipe de France espoirs de futsal à son actif. « Nous quatre, on était des membres importants de l’effectif. On jouait ensemble depuis cinq ans. Malheureusement, une fois qu’on a vu que le niveau commençait à baisser, l’idée nous est venue de créer un club dans lequel on serait les seuls décisionnaires, des rentrées d’argent jusqu’aux transferts. On ne veut dépendre de personne. »
Dans cette aventure ont également embarqué Jesse, ancien joueur de CFA à Saint-Priest, et Yvan, pensionnaire du centre de formation du MHSC. De la même génération qu’un certain Ellyess Shkiri, en passe de disputer cet été la Coupe du Monde avec la Tunisie. « Il y aussi Omar, notre coach, qui a déjà joué en Ligue 1 avec Montpellier Agglo, à l’époque. Cette année, il fait les deux, joueur et entraîneur. Si on est le nombre, il donne ses consignes depuis le banc. On s’est présenté à lui en début de saison, on lui a dit qu’on avait besoin d’un gars avec de l’expérience. Au début, il n’était pas très chaud. » Depuis la touche, ce dernier assiste impuissant aux trois buts du MMF, scorés en autant de minutes, qui récupère l’avantage juste avant la pause.
La Ligue 2 en ligne de mire
La réticence de l’actuel entraîneur, même s’il n’aura pas mis bien longtemps à accepter de relever le défi, est assez compréhensible. Aujourd’hui, investir de son temps et son argent dans une discipline en plein développement comme le futsal, qui souffre encore, en France, de l’image d’un sport réservé aux quartiers populaires, est un risque. Il y a bien eu l’Euro, retransmis en direct sur L’Équipe 21, début février. Mais malgré tout, l’engouement n’a pas encore totalement pris. Canal +, qui avait laissé planer l’idée d’une diffusion régulière, se contente pour l’instant de passer la finale du championnat sur sa chaîne sport. La professionnalisation est en bonne voie mais en bas de l’échelle, chaque démarche prend du temps. « On vient de terminer tous les papiers pour demander à bénéficier d’un gymnase. Sans infrastructure, on ne peut pas s’entraîner, ni se développer. Pour avoir un créneau, c’est compliqué, comme dans toutes les villes de France… Vu qu’on évoluera plus haut la saison prochaine, on sera prioritaire par rapport à d’autres équipes, d’autres disciplines. » Difficile, dans ces conditions, de savoir réellement dans quoi s’est embarqué le Sporting Paillade. « Tous les quatre, on a posé des sous pour créer le club, payer des vêtements aux gars… Mais c’est quand même un plaisir. On savait à quoi s’attendre. Après, c’est sur que si derrière, la municipalité et les pouvoirs publics ne suivent pas, ça va nous décourager. Mais pour l’instant, ce n’est que le début. On n’est pas dans cette optique. »
À l’heure actuelle, c’est donc bien évidemment le bénévolat qui prime. Pas de salaires, ni de primes de match. La motivation se trouve ailleurs que dans les deniers. Où ça ? Déjà, dans la confiance qu’ont le staff et les joueurs en leur capacité à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Sur le plan sportif, le Sporting Paillade souhaite dans un premier temps se stabiliser en Ligue 2. Une accession qui passe par une autre saison pleine en Excellence, le niveau régional. « L’année prochaine, on jouera contre des équipes de l’ancienne région du Languedoc-Roussillon, Nîmes, Perpignan, Carcassonne… Après, pour accéder en Ligue 2, des barrages ont lieu entre les champions de chaque région. En ce qui nous concerne, le vainqueur du match entre le champion de l’ancienne région Midi-Pyrénées et celui de la région Languedoc-Roussillon représentera ensuite la région Occitanie lors des barrages. »
Dans les pas du Montpellier Méditerranée Futsal
Indéniablement, le projet comprend également tout un volet social, inhérent à ce genre d’initiatives lorsqu’elles émanent d’un quartier populaire comme celui de La Paillade et ses occupants, recensés au nombre de 20 000. « On veut créer une certaine ferveur au quartier, faire vivre La Paillade. On pense évidemment à ça. On a vu ce que le MMF avait réussi à faire à Jean Bouin. C’est notre gymnase, il est en face de chez nous. Tu vois le délire ? », avoue Jaouad, sourire en coin, locataire des murs comme la plupart des joueurs. Très vite, Brahim embraye derrière : « Entre guillemets, sur notre territoire. Je vais abuser, mais c’est comme si Nîmes venait jouer à Montpellier. Dans les quartiers, c’est toujours un peu comme ça. On se respecte, mais il y a cette fierté. On a vu l’engouement que le MMF a produit, puis on s’est dit : pourquoi pas nous ? » D’autant plus que la future délocalisation du stade de la Mosson, actuellement étudiée, pourrait créer un vide concernant l’activité sportive locale. Pas sûr, dès lors, que les nombreux habitants de La Paillade renouvellent leur abonnement au MHSC.
Survêtements et maillot orange rayonnant dénués de sponsors, sur lesquels trônent uniquement le logo, un lion, comme celui de l’Atlas Paillade, short et chaussettes blanches pour tous les joueurs… Pour ce qui est des sapes, le club s’est appliqué à faire les choses proprement. Comme sur le terrain. Dans l’affrontement qui les opposent au club phare de la région, les Pailladins arracheront finalement une onzième victoire consécutive, 5-3. Poursuivant leur saison avec 108 buts au compteur, pour 38 encaissés, avant une dernière journée anodine. Fin du game, le Sporting est définitivement prêt à s’attaquer au pallier suivant.
Crédits photos : Foot & me.