Près d’une semaine après les révélations sur les « Panama Papers » que la plupart des médias présentent comme étant une évasion fiscale d’ampleur mondiale, de nombreuses questions restent néanmoins en suspens sur ce scandale. Toutefois, il ne faut pas être dupe, ces révélations ne changeront pas grand chose sur la lutte contre l’évasion fiscale. En revanche, elles auront le mérite de mettre en lumière la guerre économique menée en arrière-plan par certaines grandes puissances, en premier lieu par les États-Unis…
« Panama Papers ». C’est le nom de l’affaire qui concerne quelques 11,5 millions de documents secrets dont le Monde et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de Washington ont eu accès et qui révèlent les dessous de la finance offshore internationale.
Contrairement aux idées reçues, la campagne des « Panama Papers » ne produira pas l’effet escomptée en terme de lutte contre l’évasion fiscale. Au mieux, elle confirmera l’idée selon laquelle certains politiciens sont corrompus et que le pouvoir politique est entre les mains de puissances économiques. Par conséquent, que retenir de ces révélations ?
Tout d’abord, des centaines de noms sont sortis parmi des personnalités issues du monde sportif, politique, économique. Plusieurs milliardaires figurent dans les listings du cabinet panaméen Mossack Fonseca. Crée en 1977 au Panama, ce cabinet est présenté aujourd’hui comme l’une des clés de voûte du business mondial et opaque des paradis fiscaux, avec des bureaux dans plus de 35 pays.
Qu’en est-il de l’État du Delaware ?
Parmi les personnalités citées, force est de constater que certains noms étaient déjà connus pour d’autres affaires ayant trait à la fraude fiscale ou à la corruption, sur ce point, rien d’extraordinaire en soit, sinon qu’il confirme ce que l’on soupçonnait déjà. Dans le même sens, les révélations touchant certains hommes d’États étrangers dont les régimes politiques sont parfois contestables n’a rien de surprenant. En revanche, il aurait été intéressant de voir beaucoup plus de noms d’hommes d’États de pays considérés comme démocratiques pour donner encore plus de crédibilité à ces révélations.
Pour autant, le Panama est loin d’être un cas isolé parmi la multitude de paradis fiscaux répartis à travers le monde. À cet égard, l’Union européenne a dressé une liste noire des paradis fiscaux, et la grande majorité se trouve dans les Antilles et en Amérique centrale. Cependant, on remarque l’absence d’États américains sur cette liste au premier chef : l’État du Delaware. Jusqu’au reportage de Cash Investigation du 5 avril de cette année, le Delaware était globalement méconnu du grand public comme étant un paradis fiscal de grande envergure.
Dans ce contexte, on peut s’étonner de la campagne américaine pour mettre fin au secret bancaire suisse, alors que l’État du Delaware situé à quelques kilomètres de Washington pratique également le secret bancaire. La question est donc de savoir pourquoi ces révélations sur le Panama ?
Une position de force à conserver au sein d’une guerre économique généralisée
Edward Luttwak, expert en stratégie économique, recommande dans une perspective de guerre économique généralisée, que Chaque État, s’il veut avoir une chance de marquer des points, doit se doter d’un arsenal de mesures qui lui permettent de conquérir ou de préserver une position enviée au sein de l’économie mondiale. Dans ces conditions, on peut aisément imaginer que les États-Unis mènent une lutte acharnée contre les paradis fiscaux non anglo-saxons afin de conserver une position centrale au cœur de ces dispositifs qui semblent indispensables au commerce international.
L’exemple suisse est un cas d’école. En obligeant et en contraignant la Suisse à lever son secret bancaire, les États-Unis ont étendu leur surveillance de masse aux transactions économiques comme ils le font parfois sous couvert de lutte contre le terrorisme, pour pratiquer l’espionnage des entreprises étrangères.
Dans une moindre mesure, c’est dans ce contexte qu’il faut également mettre en parallèle les révélations des « Panama Papers », au sein d’une atmosphère de guerre économique où ce scandale n’a pas encore livré toute sa vérité. Affaire à suivre…