« LE BUT, C’EST DE RÉUSSIR À METTRE EN LIEN LE MONDE AMATEUR AVEC LE MONDE PROFESSIONNEL »

Thomas Raymond, membre de l’association Attitude, Part. I

Union Urbaine est allé voir du côté d’Attitude, une association qui impulse plusieurs actions à Montpellier dont le Battle of the Year depuis presque vingt ans tout en accompagnant les artistes vers leur professionnalisation et en leur proposant des espaces de travail. Dans cette première partie, Thomas évoque les différents parcours des rappeurs de la région comme Joke, Némir ou Set&Match, qui ont tous réussi à percer. Plus ou moins.

 

Union Urbaine : Avec l’association Attitude, vous chaperonnez plusieurs actions à Montpellier, notamment le Battle of the Year…

Thomas Raymond : Oui, le Battle of the Year, qui est un peu l’équivalent des championnats de France de breakdance. Là l’activité, le moment fort principal, c’est sur le zénith, puis après on a une semaine ou est sur pas mal d’événements, avec des participants qui viennent de partout en France. On a également un dispositif dans les DOM TOM, sur Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et l’île de La Réunion.

Et donc tu t’occupes d’organiser ça.

Oui, je m’occupe d’organiser ça, là c’est la quinzième édition cette année. L’association existe depuis 1997, ça fait maintenant 18 ans.

Et toi tu es là depuis 1997 ?

En fait avant, on avait une autre association, créée en 1989, donc oui je suis à la base du projet depuis 89. On a également le réseau hip-hop Languedoc Roussillon qui est un dispositif encore différent, qui est porté par quatre acteurs régionaux. Y’a la Casa musicale à Perpignan, Da Storm à Nîmes, le Chapeau Rouge à Carcassonne, et nous pour Montpellier.

 

La casa musicale

 

« On s’occupe surtout d’accompagner les artistes »

 

En quoi ça consiste alors ?

Là on est sur de l’accompagnement vers les artistes. Le deal de base, c’était sur un constat qu’il y avait un manque de communication et de connaissance, à la fois des acteurs de la culture hip hop et à la fois des institutions sur ce que faisait les acteurs, et vice versa. Donc le but au départ, c’était de mettre en lien ce monde là, notamment sur la pratique professionnelle, compagnie de danse, groupe de rap et le volet plutôt pratique amateur, ou on fait de la formation avec nos intervenants en danse hip-hop et on fait aussi de la circulation de publics.

 

« Pour la danse, notre mission, ça va être de trouver des lieux pour pouvoir répéter, des lieux de résidence… »

 

Vous organisez des événements, des concerts ?

Non on fait pas d’événements particuliers, chaque structure fait ses propres événements, nous on est plutôt sur l’organisation et le fait de favoriser la mise en réseau des acteurs, donc ça va être les quatre structures principales dont j’ai parlé tout à l’heure. Par exemple sur la danse on va faire un suivi administratif sur les mises en réseau avec des lieux, pour pouvoir répéter, des lieux de résidences, des choses comme ça… Il y a une première phase de projet et le but c’est qu’à la suite, les structures soient directement supportés par les collectivités. Par exemple sur les compagnies de danse, on va travailler sur des projets de chorégraphe qui vont avoir un projet de spectacle, et au départ n’ont pas forcément ni de forme associative ni de connaissance des réseaux. On va donc les accompagner sur les premiers travaux, pour justement qu’ils rentrent dans les clous au niveau administratif pour pouvoir faire des demandes afin qu’à terme, ils soient financés directement par les collectivités, par l’état.

 

« On se concentre plus sur l’aspect scène »

 

Au niveau du rap, quelle est votre démarche ?

Niveau rap c’est un peu variable selon les années. Mais là, cette année, on a un tremplin qui s’appelle le blockbuster. Uni’sons par exemple a un dispositif Disk’air, mais nous on est plutôt sur l’aspect scène. Le but, c’est que les artistes arrivent à avoir accès aux scènes, pas vraiment sur du support physique, des CD ou ce genre de chose. C’est une manière d’utiliser l’expérience qu’on a avec les scènes de musiques actuelles. Les programmateurs de CD, ils en reçoivent tellement, ils les écoutent pas. Donc le but, c’est que les artistes puissent avoir accès à la scène.

 

« Chaque parcours est particulier »

 

Lors de d’autres entretiens, certains nous disaient que c’était difficile d’exister dans la scène rap hors de ces réseaux…

Je pense que chaque parcours est un peu particulier. Par exemple le dernier en date, un artiste comme Joke, nous on lui a peut être filé un petit coup de main sur de la mise en réseau. Mais bon, ils ont pas besoin, ils sont signés…

 

« Ceux qui fonctionnent dans des réseaux comme les nôtres, c’est des personnes qui sont sur des démarches d’autoproduction »

 

 

Joke, c’est le parfait exemple. Des dispositifs comme les vôtres sont mis en place et pourtant l’émergence s’effectue en dehors…

C’est le parcours de chacun, il y en a qui en ont bénéficié, on a travaillé justement, que ce soit sur Perpignan avec Némir, avec Set&Match sur Montpellier, donc après suivant les parcours de chacun… Souvent ceux qui fonctionnent dans des réseaux comme les notres, c’est des personnes qui sont sur des démarches d’autoproduction, c’est-à-dire qu’a partir du moment où l’artiste est dans une démarche de « je cherche un label pour être signé », il a tout un environnement en terme de booking, en terme de management, en terme d’édition. Après il y a d’autres types de développement ou d’évolution pour les artistes. Par exemple, Némir il a commencé à la Casa, il a fait des EP gratuits, pour arriver au bout de 10 ans, effectivement, à signer. Chaque parcours est particulier, pour moi c’est plutôt complémentaire qu’antinomique, ça dépend aussi de la personnalité de l’artiste.

 

 

Souvent, certains artistes ont peut être du mal à venir vers vous, parce qu’il y a ce coté ‘‘financé par la région’’, ce qui peut paraître ambivalent avec la discipline…

Ce dont je m’aperçois moi c’est que nous on s’adresse à des artistes qui veulent se professionnaliser, tu vas avoir des artistes qui vont avoir besoin à un moment donné d’un soutien puis qui après vont faire leurs vies et leurs parcours eux même et nous on n’est pas là pour se substituer à une maison de disque, une agence de booking ou à l’éditeur. Après, des artistes, quatre, cinq artistes qui sont sortis d’ici dans les dernières années, ça dépend de la stratégie de l’artiste, puis de son environnement. Parce que t’as beaucoup d’artistes ici qui sont dans des démarches mixtes. Là par exemple, on en a aidé un l’année dernière, Khalid, qui a aussi participé à Disk’air et qui lui a une démarche artistique, mais qui est aussi particulière et qui n’est pas forcément quelque chose de très facile à vendre pour un label qui a, à coté, une démarche associative, qui fait de l’atelier, qui fait un travail socio-culturel dans les quartiers de la Paillade. C’est des démarches qui ne vont pas forcément avec une vocation de professionnalisation artistique pure et dure. Trouver un label, même si c’est ce vers quoi il aspire, derrière ça veut dire aussi qu’il faut pouvoir se mettre dans un certain schéma pour aller vers ça, et avoir un produit aussi qui correspond.

 

« On n’est pas là pour se substituer à une maison de disque, une agence de booking ou à l’éditeur »

 

Il faut faire un pas vers le compromis…

Compromis ou pas, après c’est surtout de l’esthétique que tu choisis. Pour des artistes comme Khalid, qui sont dans une veine un peu, même si c’est varié, qui sont plutôt vers du rap conscient… Des choses comme La rumeur, des choses qui, commercialement, n’ont pas un potentiel monstre…

 

 

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