Sweo et Nikita, double mixte, Part. I
Sweo et Nikita se sont connus en 1998, mais Sébastien et Marlène étaient amis depuis plus longtemps encore.Vandale à ses débuts, Sweo, assagi par le temps, vend désormais ses œuvres, comme cette fresque géante commandée par le syndic d’un immeuble situé non loin du quai du Verdanson. Pour Union Urbaine, les deux Montpelliérains reviennent sur leur rencontre et leurs premiers graffs.
Union Urbaine : Comment vous êtes arrivés dans le graffiti ? Vous êtes autodidactes dans la pratique ?
Sweo : Oui, autodidactes à 100%.
Nikita : En fait moi, je suis pas venue au graff directement. En 98, c’est Sweo qui m’a initié, on se connait de longue date. J’ai peint au Verdanson et beaucoup d’endroits sur Montpellier. Mais après j’ai plus continué sur la peinture, le dessin, pour essayer de travailler mon trait. Je me suis rendue compte qu’il fallait du temps pour maîtriser la bombe parce que c’est un peu tendu d’apprivoiser le truc.
S : Au début, on n’était pas ensemble. Du coup on se voyait entre potes, certains faisaient du vandale, des trucs comme ça. Moi je faisais du vandale de toute façon. À l’époque j’étais anti-terrain, anti-couleur tout ça, c’était un peu un truc de retraité (rires). Tous mes potes qui se mettaient à la couleur pour moi, c’était des vieux retraités.
« Les seuls mecs qui faisaient de la couleur, c’était Zest, en gros les TDM. C’était les seuls qui posaient des putains de grosses fresques, des murs assez énormes »
En 98 t’avais quel âge, 20 ans ?
S : 18 ans. Je me suis mis à la couleur en 2003, quand je me suis mis avec Marlène. En 93, j’ai commencé à vraiment être actif, faire plus que trois tags au collège. Vers 13 ans j’ai commencé à aller dans des villages, sur Montpellier, des coins autour de chez moi. Et de 93 à 2003, j’ai fait que du vandale, 10 ans de vandale. Et après on a commencé à se mettre ensemble, à bouger ensemble, elle m’a fait comprendre (Nikita) qu’il n’y avait pas que le vandale dans la vie quoi. Et puis c’était un effet de mode, une génération aussi, où on s’est un peu tous mis à faire de la couleur. Avant, les seuls mecs qui faisaient de la couleur, c’était Zest, en gros les TDM. C’était les seuls qui posaient des putains de grosses fresques, des murs assez énormes.
Ça a été un effet de mode de passer à la couleur ?
S : Un effet de mode oui, et une évolution du graffiti tout simplement. Parce que même les jeunes d’aujourd’hui font du vandale…
« Vandale ? C’est les mecs qui font des nocturnes, qui passent leurs vies à tout niquer, à cartonner, à défoncer la ville, les autoroutes, on voit leurs noms partout »
Ça existe encore beaucoup le graff vandale ?
S : Bien sur, à fond. Mais souvent les vandales je trouve qu’ils sont mixtes, ils font vandale et terrain. Nous à l’époque, c’était vraiment anti-terrain.
Qu’est ce que vous, vous entendez par vandale ?
S : Vandale ? C’est les mecs qui font des nocturnes, qui passent leurs vies à tout niquer, à cartonner, à défoncer la ville, les autoroutes, on voit leurs noms partout… C’est pas péjoratif du tout quand je dis ça.
Quand toi tu le dis, c’est pas péjoratif…
S : Après la ville… Eux ils ont un esprit critique là-dessus, ils ne le conçoivent pas de la même manière… Là, ce qu’on vient de faire aujourd’hui, c’est quelque chose qu’ils vont trouver beau parce que ça parle à tout le monde, c’est grand public, il y a des poissons, il y a du cube, de la perspective, ça devient populaire et grand public. Mais c’est vrai que du vandale pour eux ça leur parle pas, mais moi en tant que graffeur ça me parle énormément.
Vous continuez à faire du vandale ?
S : Aujourd’hui non, ça m’arrive une fois ou deux par ans, pas plus. Une soirée un peu alcoolisée, t’as les potes avec, on se fait une session. Dans notre crew, actif, il y en a encore quelques-uns, mais plus autant qu’avant, c’est toujours pareil.
« C’était LE livre, tout le monde l’avait, tous les graffeurs avaient leur Paris Tonkar »
C’est une évolution normale au final ?
S : Oui c’est une évolution, puis la génération qui veut ça aussi. En 98, Desh, c’est le premier qui a ouvert un magasin à Montpellier, c’est le premier magasin qui a existé. C’était la première fois où on pouvait acheter des bombes, un minimum de qualité pour peindre, on pouvait voir d’autres graffeurs. Tout a commencé à se développer à ce moment-là. Il y avait plus de magazines aussi, il y avait Paris Tonkar et encore c’était pas un truc qui sortait quotidiennement hein. Là ils font une version magazine maintenant, mais à l’époque ça existait pas ça. À l’époque c’était LE livre, tout le monde l’avait, tous les graffeurs avaient leur Paris Tonkar. LE livre de référence.
« À l’époque, y’avait pas tous les sites, Instagram, Facebook, ça n’existait pas… »
C’est pour ça que les pratiques se professionnalisent maintenant, il y a plus d’accès…
S : Exactement, les magazines, internet, ça n’existaient pas. En 2004, 2005, tu vois, j’ai eu mon premier ordinateur. Mon premier mail, j’ai dû le recevoir en 2003. À l’époque, y’avait pas tous les sites, Instagram, Facebook, ça existait pas… Aujourd’hui tout va très vite.
Comme il y avait moins de moyens, c’était peut-être l’époque qui poussait plus au vandale aussi ?
S : À fond ! C’est ce qui permettait de te faire connaître. Aujourd’hui le mec fait une peinture chez lui, il a quatre bouts de bois, il les pose sur son mur, il la poste sur internet et si ça se trouve il va avoir des millions de vues. Mais t’as pas l’esprit graffiti là-dedans. Il y a aucun esprit, pour moi c’est limite des infographes. C’est pas un graffeur. Il utilise une bombe, mais c’est pas un graffeur.
« Aujourd’hui le mec fait une peinture chez lui, il a quatre bouts de bois il les pose sur son mur, il la poste sur internet et si ça se trouve il va avoir des millions de vues »
C’est quoi l’esprit ?
S : Pour le vandale, c’est ce que je t’ai dit, et pour le terrain, c’est déjà aller sur les terrains un minimum, comme des lieux abandonnés. Moi j’adore tout ce qui est abandonné, tout ce qui est un peu urbex. Il y a le spot du Grau-du-Roi qui est pas mal sur Montpellier. Des spots comme ça, il y en a pas mal. Et évidemment, même si j’y vais plus aujourd’hui, j’y allais quand j’étais plus jeune, il y a le Verdanson.
« Le Verdanson, tu vas faire une pièce et le lendemain elle aura peut-être déjà sauté »
Pourquoi vous y allez plus aujourd’hui ?
S : Tout simplement parce qu’on n’est pas trop sur Montpellier, on habite à Mauguio. Puis moi j’ai l’impression que… Tu sais quand t’as fait un truc pendant des années, c’est pas comme retourner en arrière, mais c’est un peu répéter son histoire. Et puis ça bouge énormément le Verdanson, tu vas faire une pièce et le lendemain elle aura peut-être déjà sauté.
Et à l’époque, ça n’existait pas ?
S : Ah ça n’avait rien à voir ! Déjà à l’époque, le Verdanson, c’était pas légal ! Quand t’y allais à l’époque, c’était chaud, les flics descendaient et ils te poursuivaient, moi ça m’est arrivé trop de fois de me faire courser en dessous.